Home Souvenirs d'Yvonne Courage Bahamas « La seule chose qu’il nous reste, c’est d’être en vie »

Bahamas « La seule chose qu’il nous reste, c’est d’être en vie »

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Bahamas « La seule chose qu’il nous reste, c’est d’être en vie »

« La seule chose qu’il nous reste, c’est d’être en vie » : une habitante des Bahamas raconte comment l’ouragan Dorian a tout dévasté

Traumatisée par ce qu’elle a vécu, Avery, 28 ans, a raconté minute par minute à franceinfo le passage de l’ouragan Dorian sur son île.

Mercredi 4 septembre, il est plus d’une heure du matin sur l’île de Grand Bahama. Pourtant, Avery Pinder, 28 ans, ne parvient pas à fermer l’œil. « Je n’arrive toujours pas à dormir, j’ai encore l’impression d’être sous l’eau ». Réfugiée avec sa fille de 8 ans et son compagnon dans le Royal Islander Hôtel, près de Freeport, la principale ville de Grand Bahama, la jeune femme se dit  » extrêmement traumatisée » par le passage dévastateur de l’ouragan Dorian sur l’archipel.

Le bilan provisoire fait état de sept morts mais il devrait encore s’alourdir, selon le Premier ministre. « Nous avons vécu le pire ouragan que les Bahamas n’aient jamais connu. Personne n’était préparé à vivre cela, assure Avery Pinder. Nous avons perdu nos maisons, nos voitures. Il y a des milliers de personnes qui cherchent des abris et les secours ne sont pas là ». 

C’est sur Messenger, la messagerie de Facebook, qu’Avery, à la tête d’une association pour chômeurs, a décrit à franceinfo, minute par minute, le cauchemar qu’elle a vécu. C’est aussi sur son compte qu’elle a raconté en temps réel son calvaire, dans des dizaines de posts apocalyptiques. « Nous nous sommes battus pour nos vies », écrit-elle en préambule.

L’inexorable montée de l’eau

Tout commence dimanche vers 21 heures. A l’approche de l’ouragan, classé en catégorie 5 – le niveau maximum – au moment de frapper les Bahamas, les vents et la pluie redoublent de violence. Quelques minutes plus tard, Avery réalise qu’elle se fait piquer par des fourmis volantes tandis que des termites sont également visibles. « J’ai réveillé mon compagnon et on s’est rendu compte que notre maison de deux étages était envahie d’insectes, surtout dans la pièce de l’ordinateur. C’est là que l’on a vu l’eau qui montait. »

Une heure et demie plus tard, un grand « boum » se fait entendre. Les fenêtres et les planches qui les protégeaient explosent. « Ma fille s’est mise à hurler, on s’est précipités à l’étage ». Le compagnon d’Avery tente de refermer une fenêtre du toit mais d’autres fenêtres se brisent elles aussi. La petite famille, terrorisée, ne parvient pas à se recoucher. Mais à midi le lendemain, la fille d’Avery accourt dans leur chambre en hurlant : la maison est envahie d’eau. « Nous, on somnolait mais quand on s’est rendu compte de ce qu’elle disait, on a bondi et on lui a passé un gilet de sauvetage. Et c’est là que l’horreur a commencé », poursuit Avery.

A 12h30, on avait plus de 1,2 mètre d’eau dans la maison, j’ai attrapé ma fille et je l’ai montée à l’étage.Avery, rescapée de l’ouragan Dorianà franceinfo

Des voisins, dont la maison est totalement inondée, les rejoignent, tout comme la tante handicapée du compagnon d’Avery et son fils. « Aucun d’eux ne savait nager ». Avec son petit ami, Avery nage jusqu’à la voiture pour en récupérer la batterie, seul moyen de recharger son téléphone. « Sur le chemin du retour, nous avons dû lutter contre des scolopendres, l’une de mes plus grandes peurs ». Son téléphone rechargé, Avery parvient à lancer un message d’alerte sur Facebook.

« J’ai posté beaucoup de messages, et les gens me répondaient que l’aide allait arriver mais je savais qu’ils disaient ça pour éviter que nous paniquions », nous affirme Avery. Faute de secours, la jeune femme se démène pour sauver ce qu’elle peut alors que l’eau continue son inexorable montée. C’est là qu’elle réalise que ses quatre chiens et ses neuf chats sont en danger. « Je suis allée dans l’eau pour les sauver et j’ai réussi à les faire monter à l’étage ». 

« Nous avons tout perdu »

Pourtant, le combat n’est pas terminé. A 4 heures du matin mardi, Avery espère la fin du cauchemar avec la décrue progressive de l’eau. Faux espoir. L’eau recommence à monter alors que son petit ami dort sur un matelas trempé. « J’ai couru le réveiller pour éviter qu’il se noie et là, la porte s’est ouverte en grand. Imaginez, je mesure 1,60 mètre, et j’ai dû me battre contre les vents violents et la pression de l’eau pour refermer la porte ». 

Trois heures plus tard, cette fois, ça y est : l’eau s’est retirée. « J’ai alors réalisé que la seule chose qu’il nous restait, c’était d’être en vie », soupire Avery. C’est finalement son père, 70 ans, son « héros », qui est venu secourir la famille. « Il est venu en début d’après-midi mardi. Nous n’avons pas vu les autorités, même après que mon post sur Facebook soit devenu viral ». 

Depuis, Avery est donc à l’hôtel, transformé en abri pour rescapés. « Tout mon corps me fait mal, nous n’avons pas vu les secours, et j’ai des démangeaisons, alors j’ai pris un antihistaminique. » En attendant d’y voir plus clair sur la suite, elle a créé une page pour ceux qui voudraient l’aider financièrement. « Je n’arrive pas à croire que notre paradis soit détruit », conclut-elle.