Ah! les élections avec Martelly C’est un pays divisé, profondément, sur plusieurs points, qui commence certainement à donner des sueurs froides au président Michel Joseph Martelly, élu, il y a plus de deux ans, sous le label fascinant du changement, de la rupture avec la continuité, de la critique radicale de la classe politique (traditionnelle).
Vieillissante et discréditée mais rompue aux mécanismes de la guérilla médiatique, cette dernière s’enorgueillit à faire valoir ses énormes et légendaires capacités de nuisance face à un pouvoir qui donne l’impression de retarder les échéances électorales. Les conjonctures électorales sont imprévisibles, volatiles on ne peut plus, riches en surprises et péripéties, alimentées par le nombre effarant de candidats (selon toute vraisemblance, il va en avoir beaucoup, et non des moindres).
Dirigeants et opposants doivent faire attention en procédant sérieusement à des réflexions stratégiques et à des enquêtes de terrain (des sondages) afin de mieux saisir les contours de l’après-Martelly qui se dessine déjà sous nos yeux (froids ou partisans).
Ralentir le processus électoral, déjà un véritable casse-tete, pourquoi faire? A quelles fins?
L’opposition est-elle prête pour les élections? Faut-il confondre les candidats avec les partis et plateformes?
A ces deux types de questions clés qui ont fait l’objet de savantes analyses, les réponses paraissent au fond comme d’insuffisantes pistes. Parce qu’au juste, ce qui est important pour l’opposition, excédée par l’arrogance de Martelly, c’est de gagner avant tout la bataille de la communication (préalable à toute conquête ou reconquête du pouvoir), acculer le pouvoir dans ses retranchements, le diaboliser avec une rhétorique guerrière permanente, en exploitant ses erreurs ou ses faiblesses. Lorsque d’infatigables combattants comme Paul Denis, Edmonde Supplice Beauzile, Moïse Jean-Charles, Evans Paul occupent le terrain, on sait qu’on a affaire à des spécialistes! Ça va être l’affrontement de deux univers, de deux modes de vie: le monde féerique, bon enfant, de la musique ne correspond pas du tout aux périls de la gouvernance politique!
Marquée par la personnalisation des débats électoraux et des luttes pour le pouvoir, cette polarisation de la vie politique, sous le regard hypocrite de nos tuteurs internationaux, va malheureusement se disséminer à travers toutes nos institutions, y compris au sein même de l’organisme électoral, à travers toutes les strates de la société, à travers tout le pays. Cette similitude avec le passé est vraiment un mauvais présage. Pourquoi en est-on arrivé là ? Pourquoi cet éternel passé présent?
Avec Martelly, attaqué de toutes parts, désormais sous pression et sous surveillance, va-t-on assister, malgré tant de pommes de discorde et de similitudes avec le passé, à l’organisation d’élections honnêtes et inclusives, crédibles et transparentes ? Avec Martelly, (hier) chantre alerte de promesses de renouveau et de rupture avec la vieille Haïti, pourquoi se poser cette question?
Pierre-Raymond Dumas
