J’étais au P’tit Resto à North Miami quand mon amie a récité ce magnifique poème…
Merci de l’offrir à nos lecteurs de Planète Ayiti, je sais qu’ils vont l’apprécier, tout comme moi…
Trois ans déjà
Depuis que tu es parti
Vers un ailleurs inconnu
Nous laissant seuls
Dans cette grande maison de notre enfance
Et dans cette ville qui a perdu la mémoire
Parce que son griot est parti.
Mais tu n’as pas laissé de vide
Car le vide détonnerait avec la réalité de ta vie.
Tu nous as laissé riche de souvenirs
Comblé de trésors infinis
Que ni le temps
Ni l’espace
Ni l’éternité
Ne peut effacer
Trois ans déjà
Depuis que ta bière gît sous terre
Dans cette petite ville de province
Que tu as aimé
D’un amour si charnel
Que tu n’as jamais voulu la laisser
Même sous la pire pression de Duvalier
Ou l’on a emprisonné et battu ton frère.
On te cachait souvent
.
Il y avait toujours un Simon de Sylla
Pour t’aider à t’échapper aux griffes du tyran.
Tes surs et ta femme
Ont détruit tes écrits sous tes yeux
Effacés à jamais toutes ces pages noircies
De ton écritures soignées
Et les mots magiques
Qui coulaient de ta plume
S’en allaient en fumée.
Tu as vu tous tes rêves brisés peu à peu
Ton intelligence étouffée
Tes poèmes, tes écritures musicales,
Tes pièces de théâtre, tes anecdotes historiques
Tes romans et tes livres de Français par les textes
Méconnus, jaunis par l’épreuve du temps
Et l’impossibilité de les publier
Ce cerveau gaspillé
Ce génie méconnu
Cet humaniste brisé et humilié
Par des difficultés pécuniaires
Dans un pays qui ne respectent
Ni les valeurs morales
Ni l’intelligence et l’honnêteté
De ceux qui ne font pas de Can osasse.
Et pourtant tu n’étais pas un aigri,
Ton sourire et ta grandeur d’âme
Suscitaient l’admiration de tous
Parfois même les sbires du tyran
Découvrait la tête pour te saluer.
Tu es resté pour servir ton pays
Et surtout ta ville natale
Même quand l’Afrique et le Canada
Embauchaient nos meilleurs professeurs
Tu n’as même pas voulu rentrer à la capitale
Ni chez les frères de St Louis, ni à l’Institut Français
Comme te l’avait proposé le frère Raphaël.
Tu as sauvé tant de vie
.
Tant de jeunes se sont tournés vers toi
Dans le désarroi
Dans la peur
Dans l’abandon
Dans la confusion
En quête de modèle
De guide
De tuteur
De directeur de conscience
Et de professeur désintéressé.
A ceux qui voulaient écrire
Comme toi
Et qui barbouillait leurs premières
Ebauches de pensée
Leur premier poème
Leur première cogitation
Tu les accueillais en égaux
Et les appelaient confrères.
Et ces confrères
En témoignaient
A ta veillée artistique et culturelle
A l’enceinte des frères
Ou tu as passé tes cinquante ans de service
Tu parlais toujours de décentralisation
De ta ville, et surtout de ta section rurale
Tu immortalisas Delattre,
Dans ton seul livre jamais publié.
A ceux qui te conseillaient de laisser ton pays
Tu arguais que tu es un poète
Un poète est libre disais-tu papa
De voyager où il veut
Quand il le veut
Il n’a pas d’horizon
Pas de frontière
Pas de barrière
Pas de limite
Dans son imagination.
Mais quoique doté de ce privilège
Tu es resté le symbole
De l’humaniste qui respectait les limites
Et ne franchissait jamais les frontières.
Et maintenant Papa
Tu es libre de t’envoler
Sans les barrières d’un corps mortel.
J’espère qu’un jour
Ton nom brillera post mortem Bien Sur
Comme pour la majorité des génies et poètes
Dans la littérature Haïtienne
Et au rang des prélats de la francophonie.
