Mr. Gérard Latortue répond au Nouvelliste
(Réf: le texte du site Internet du Nouvelliste me concernant visité le 23 Juillet 2006)
Mon départ d’Haïti prévu initialement pour le mois de février 2006 avait été retardé par les lenteurs du processus électoral et les aléas de la restauration formelle de l’ordre constitutionnel dans notre pays. Mon voyage le 23 Mai 2006 avait été longuement planifié pour des raisons personnelles et j’avais tenu les nouvelles autorités du pays au courant de mes plans. Il n’est donc pas question d’avoir pris la fuite.
Je comprends mal votre article sur le Net qui met en cause tant mon intégrité personnelle que celle de mon administration pendant les deux années du régime intérimaire.
Je regrette évidemment que votre journal n’ait pas pris la peine de me contacter pour confronter ma version des faits à celle que vous attribuez à l’un de mes « anciens collaborateurs » présumés, anonymement cité par l’AHP sans qu’elle-même n’eut recoupé ses informations, ce qu’elle prend rarement la peine de faire il est vrai, selon une pratique que vous n’étiez pas déontologiquement tenu d’imiter. Mais il est difficile, évidemment, de recouper des sources imaginaires.
Pour tenter sans trop d’illusions, de couper les ailes à des rumeurs sans fondement, je vous précise donc les informations suivantes qui avaient été régulièrement portées à la connaissance des nouvelles autorités légitimes du pays :
1. J’ai fait déposer, début juillet, par devant le greffe du tribunal civil de Port-au-Prince, la déclaration de mon patrimoine, comme je l’avais déjà fait au début de mon mandat de Premier ministre, dans l’espoir d’inaugurer une tradition à laquelle se plieraient mes successeurs. Vous n’y constaterez pas d’enrichissement personnel.
2. Les deux véhicules « de luxe »avaient été mis à ma disposition par l’Etat Haïtien en conformité aux articles 2 et 3 de l’Arrête du 23 Novembre 2005 qui prévoit pour tout ancien chef d’Etat et de Gouvernement un Secrétariat ,un service de sécurité rapprochée et des moyens de transport adéquat, tout ceci á la charge de l’Etat. Quand j’ai été informé officiellement le 19 Juillet 2006 que les bénéfices prévus á l’Arrêté du 23 Novembre 2005 ne seraient accordés qu’aux anciens dignitaires résidant en Haïti ,j’ai immédiatement pris contact avec le Consulat d’Haïti a Miami pour coordonner la remise de ces véhicules au gouvernement Haïtien .Ceci a été fait par mes soins dès le lendemain 20 Juillet 2006.
3. Je n’ai bien évidemment jamais émis de décret octroyant des indemnités (« privilèges ») de 15.000 dollars US aux anciens Premiers ministres (sous entendu moi-même). Ce genre d’information, cher Nouvelliste et chers Parlementaires, était quand même très facile à vérifier, en l’occurrence auprès du « Moniteur », ou du ministère des Finances, ou du Secrétariat du Conseil des Ministres.
Sur le fond, enfin, de votre article, à propos de per diem prétendûment « auto-accordés » (le montant des per diem est fixé par l’administration et non pas par le Premier Ministre) par Latortue qui seraient élevés à « 44 millions de gourdes » en deux ans, cette somme correspondrait peut-être aux sommes investies par la Primature pour les frais de sa diplomatie et de ses nombreux déplacements à l’étranger ; frais engagés pour la défense et la promotion des intérêts d’Haïti et aussi pour mettre fin á l’isolement d’Haïti sur le plan international. (n’oublions pas si vite ce qu’était le pays au lendemain du départ d’Aristide !). Un tel investissement a permis, entre autres, d’obtenir la fin des sanctions contre Haïti , le renouvellement de l’aide internationale par l’octroi, á travers la CCI, de 960 millions de dollars effectivement engagés à cette date sur le terrain. Ce « million de dollars » dépensés en notes d’hôtels, de transports, de représentation, peut apparaître, je le sais bien, comme une insulte à l’oreille de la femme, de l’homme et des enfants d’Haïti qui ont faim. Accordez-moi que cette dépense a été utile (960 autres millions de dollars investis !), qu’elle est très modeste au regard des usages en cours dans les pays en développement á diplomatie dynamique , qu’elle est infiniment inférieure aux dépenses non productives dilapidées par la présidence Aristide pour gaver ses avocats et ses groupes de pressions aux Etats-Unis et en Afrique, et qu’elle est probablement du même ordre (car les hôtels, les restaurants et les avions ne sont pas gratuits), que celle engagée par la nouvelle équipe gouvernementale pour des voyages à l’étranger, avant même son investiture officielle et depuis .D’ailleurs , je souhaite respectueusement , au passage , aux nouveaux chefs de l’exécutif,encore plus de résultats, et de récolter le 25 juillet ce que nous avons essayé de semer, pour « un million de dollars », dans les décombres de Lavalas
Je termine, simplement pour ne pas être accusé de ne pas les mentionner, les fonds de relogement de Fond Verrette. Leur usage, n’était pas du ressort du Premier ministre. Le Premier ministre, d’hier et d’aujourd’hui, ni le Président, ne sont pas chargés de tout (heureusement !). Arrêtons la fable duvaliérienne et aristidiste des hommes providentiels ou des prophètes. Si scandale il y a eu, cher « Nouvelliste », chers journalistes, enquêtez, investiguez, recoupez les témoignages, retournez sur le terrain, questionnez, contestez, proposez, démontrez, investissez (car une information coûte beaucoup plus cher et d’efforts qu’un zin)
Je me tiens bien évidemment à votre disposition, comme à celle de vos confrères, et de tous les organismes autorisés et des autorités légitimes, pour apporter toutes précisions utiles à la vérité et donc au renforcement de la démocratie balbutiante dans notre chère Haïti. Je m’honore pour ma part d’avoir apporté une petite pierre à l’édifice, et d’être en tout cas inattaquable sur le terrain de l’intégrité, ma plus grande ambition restant d’avoir créé sur ce plan un exemple et un précédent que j’aimerais incontournables.
En toute bonne foi,
Gérard Latortue