Par une belle journée d’octobre au Québec, son fusil de chasse dans l’auto et un casier judiciaire oublié depuis des lustres, Michel Jalbert décide d’aller faire le plein de l’autre côté de la frontière, à quelques kilomètres de sa résidence.
Le geste ne porte pas à conséquences. Tout le monde, dans la région, va faire le plein chez les Américains pour épargner quelques dollars.
Ce matin-là, Michel Jalbert est arrêté par les douaniers, menotté et conduit en prison. Il y est depuis ce temps et ignore quand il pourra sortir de prison.
On ne lui reproche pas d’avoir fait le plein aux Etats-Unis, on lui reproche d’avoir traversé la frontière avec un fusil alors qu’il n’avait pas le droit et surtout, d’avoir traversé alors qu’il traîne un casier judiciaire depuis plusieurs années.
Alertés, les médias et la population s’en mêlent. On supplie le gouvernement canadien de s’occuper du cas Jalbert.
Les médias demandent sa libération, tout le monde joue à Mère Teresa, tout le monde commente l’affaire et plusieurs crient au scandale.
On traite les Américains de maudits écoeurants incapables de voir la différence entre un terroriste et un bon Québécois.
Minute!
Pas une seule minute on voudrait mettre l’innocence de Jalbert en doute et lui reprocher une folie de jeunesse, mais la loi s’applique pour tout le monde.
Le gouvernement du Canada reste sur ses positions et ne semble pas vouloir bouger. Difficile de garder des bonnes relations diplomatiques quand on piétine le terrain du voisin.
En plaidant en faveur de Jalbert, est-ce qu’on ne tenterait pas de banaliser un casier judiciaire et dire à toute une jeunesse qu’au fond, c’est pas bien grave si on a déjà fait une erreur…
On crie à l’injustice mais retournons le miroir. Si un Américain, dans les mêmes conditions, entrait au Canada, serions-nous prêts à lui ouvrir toutes grandes les portes et oublier qu’il y est arrivé illégalement avec une arme dans son véhicule?
Pas certain! On écrirait alors que nos gouvernements font mal leur travail et que le public n’est pas en sécurité.
Ce matin-là, Michel Jalbert, le seul à avoir été arrêté par les douaniers, a peut-être été vendu par un ami. Si les douaniers l’attendaient, c’est qu’ils savaient qu’il arriverait. Pourquoi l’attendaient-ils? Pourquoi lui et pas les autres? Qui l’a vendu et pourquoi?
Depuis un mois, Jalbert pleure au fond de sa prison. Il n’a probablement rien fait et est sans doute innocent de tous les crimes dont on l’accusera dans les jours à venir, mais à vouloir toujours banaliser le système, on finit par se mettre un doigt dans l’il.
C’est tolérance zéro pour tout le monde et dans tout. On ne franchit pas les frontières quand on a un casier judiciaire et on ne traîne pas un fusil avec soi, même en temps de chasse surtout si on a déjà eu un avertissement.
Jalbert devrait être formellement accusé devant un grand jury fédéral la semaine prochaine.
Dans les causes célèbres, les avocats flairent la publicité gratuite et la possibilité de se faire un nom. Ils s’empressent de poser leur candidature pour défendre l’innocent, la veuve et l’orphelin. Or, dans le cas de Jalbert, il n’y a pas de bousculade. Un avocat côté américain, un autre côté canadien.
Une bien triste histoire à quelques semaines de Noël mais qui prouve qu’un petit geste sans importance peut avoir des conséquences graves sur plusieurs vies.
Que Jalbert suive les conseils de son avocat, qu’il fasse la révision de tous ses amis, le bilan de sa vie et réfléchisse. Mais son cas fera jurisprudence. La loi est claire, c’est tolérance zéro pour tout le monde. Quelle que soit la nature du délit et la date à laquelle il remonte, le casier judiciaire interdit à tous l’entrée aux USA.
Nos bonnes pensées l’accompagnent mais quoiqu’il arrive, il risque six mois de prison.
C’est payé cher pour faire le plein d’essence.