Itinérants : Pas dans ma cour
Ce n’est certes pas à Oakland Park, petite municipalité située dans la région de Fort Lauderdale qu’on rencontre les gens les plus conciliants de la Floride. Surtout quand il s’agit des sans-abris qui viennent se nourrir à l’uvre de la soupe du révérend Robert Caudill de la All Saints Catholic Mission.
Jour après jour, beau temps mauvais temps, la mission accueille quelque 100 itinérants à sa table située sur Powerline Road juste un peu au nord de Oakland Park Boulevard. Ils viennent de partout dans le Broward County. Ils mangent, placotent et retournent au royaume de la rue. Ils ne font pas de bruit, ils ne dérangent personne. Ou plutôt oui. Ils dérangent les voisins qui voient l’uvre de Robert Caudill d’un très mauvais il et multiplient plaines et pétitions au conseil de ville. Ils veulent se débarrasser des itinérants aux vêtements sales et aux manières rustres.
Le vice-maire d’Oakland Park ne sait plus sur quel pied danser D’un côté, il comprend et approuve l’oeuvre du curé, de l’autre il sympathise avec les payeurs de taxes qui ne veulent surtout pas gâcher la beauté de leur paysage.
Au conseil de ville, on dira qu’on n’a strictement rien contre les quelque 4000 itinérants de Broward mais on ne les veut surtout pas comme voisins. C’est le vieux phénomène du pas dans ma cour qui revient inlassablement. On a de la compassion uniquement quand c’est invisible à l’oeil nu et si on doit le voir, on préfère que ce soit au travers de lunettes roses.
C’est vrai que les itinérants ne sont pas toujours propres et ne sentent pas la rose. C’est vrai qu’ils gâchent le paysage et que leur présence est gênante, mais on fait quoi avec eux? On les endort au gaz comme a fait Hitler avec les 6 millions de Juifs qui jouaient dans sa cour?
Comment avoir de la compassion et plaire aux contribuables à la fois? Et, si on veut garder sa job à l’Hôtel de Ville, peut-on vraiment se permettre de perdre des votes?
Là est toute la question. Le conseil de ville a une méchante patate chaude dans la bouche.