La maison est à vendre. Le couple se sépare après 16 ans de mariage.
***
Le premier jour, Marguerite emballe ses effets personnels dans des boîtes et des valises.
Le deuxième jour, les déménageurs passent pour enlever les boîtes et les valises.
Le troisième jour, Marguerite prend place, pour la dernière fois, dans leur majestueuse salle à dîner où elle s’offre un festin! Champagne, foie gras, homard, crevettes, fromages et même une tarte tatin commandée au pâtissier du quartier.
Le repas terminé, elle visite et s’attarde dans toutes les pièces de la maison où elle a vécu, au début, le grand amour. Puis, elle a bien nettoyé la cuisine avant de laisser la place à son mari et à sa maîtresse. Elle s’envole pour la Floride, chez sa soeur.
Quand Albert et sa maîtresse sont rentrés des Bahamas, ils ont filé le parfait bonheur durant les premiers jours.
Puis, lentement, la maison s’est mise à sentir mauvais. Ils ont tout essayé:
nettoyer, récurer, frotter, cirer, aérer. En vain.
L’odeur était de plus en plus tenace. Pestilentielle. On a fait appel aux spécialistes qui ont vérifiés les conduits d’aération. On a changé toute la climatisation et la cave a confiée aux spécialistes de dératisation qui n’ont trouvé aucun cadavre de rongeurs. Rien. Pourtant, ça puait de plus en plus.
On a jeté tous les tapis et les rideaux et envoyé tous les vêtements chez le nettoyeur. La femme de déménage a donné sa démission.
Bien entendu, l’agent d’immeuble a cessé de faire visiter la maison et tous les agents du quartier connaissent l’histoire. La maison est invendable. Même à prix réduit. Albert ne veut quand même pas la donner et, de toutes façons, il aura besoin de l’accord de Marguerite.
Ça commence à chauffer avec sa maîtresse qui en a raz-le-bol. En dernier recours, Albert emprunte pour acheter une autre maison.
Quelques jours plus tard, Marguerite téléphone Albert, à son bureau, pour discuter d’un dossier d’assurances. Il lui raconte alors la saga de la maison puante, mais sans trop insister sur la puanteur extrême.
– Tu es certain que ça pue tant que ça? Moi je l’aime bien cette maison. Je m’ennuie et je me demande où je vais m’établir en rentrant. J’ai l’impression que, comme d’habitude, tu exagère avec ton histoire d’odeur.
– Sais pas, moi, mais ça ne sent pas tellement bon.
– As tu fait appel aux bons spécialistes?
– Je crois, oui, et ils n’ont rien trouvé.
– C’est sans doute dans ta tête.
Sachant que son ex-épouse ne pouvait pas s’imaginer à quel point les odeurs dans la maison étaient pestilentielles et insupportables, il lui dit qu’il pourrait lui vendre sa part pour 75% de sa valeur, mais à une condition, qu’elle lui confirme immédiatement son intention et qu’elle lui envoir un document signé par fax.
– Hé tu va vite en affaires.
– Je vais de dire la vérité, j’ai acheté une autre maison avec ma blonde et ça réglerait le dossier.
– Non, la moitié.
– La moitié?
– Oui, c’est ça. La moitié du montant que nous avons payé lors de notre mariage.
– Mais Marguerite, t’es folle?! Je ne veux pas te la donner.
– Tu ne me donne rien. J’achète, et tu récupère ta mise.
– Tu me fais chier.
– Alors, oublie ça…
– Bon, bon, ok, mais tu dois signer aujourd’hui même.
– Je vais demander à mon avocat de tout régler avec toi aujourd’hui…
***
Le lendemain, Albert sort du bureau de l’avocat avec, en poche, une promesse d’achat irrévocable, accompagnée d’un chèque au plein montant.
Il donne l’ordre aux déménageurs de vider la maison.
***
Marguerite, quelques jours plus tard, entre dans la maison maudite, enlève les poles des rideaux, où elle avait placé les restes de son dernier festin, soit des huitres et des crevettes…