Port-au-Prince, le 18 décembre 2006
Monsieur Jacques Édouard ALEXIS
Premier Ministre
Président du Conseil Supérieur de la PNH
En ses bureaux
Monsieur le Premier Ministre,
Depuis notre rencontre du 13 décembre 2006, la situation sur le plan sécuritaire continue inexorablement de se détériorer. Des membres du parlement ont été attaqués vendredi dernier à l’entrée de la capitale par des bandits armés. Les sénateurs Edmonde Suplice Beauzile et Evelyne Chéron ont échappé de justesse à une tentative de kidnapping, mais le sénateur Andrys Riché n’a pas eu autant de chance et a vécu une situation rocambolesque. Ces terroristes ont déclaré une véritable guerre au peuple haïtien. Nous ne pouvons plus nous contenter de paroles et de promesses il faut passer à l’action immédiatement et envoyer un message clair à ces criminels et à nos concitoyens.
Le gouvernement n’a plus seulement une obligation de moyens mais bien une obligation de résultats. Beaucoup de ces bandits sont connus et identifiés puisque votre gouvernement négocie avec eux. Ils opèrent à visière levée et donnent l’impression qu’ils ont quelque part la garantie d’une impunité certaine. Monsieur le Premier Ministre, la peur doit changer de camp, il faut que les mesures prises et les actions entreprises soient suffisamment percutantes pour devenir dissuasives. Il est temps pour votre gouvernement d’assumer ses responsabilités, de passer à l’action et de doter la Police Nationale des moyens matériels et légaux dont elle a besoin pour appliquer la loi et pourchasser les terroristes jusque dans leurs derniers retranchements.
Le parlement haïtien est disposé à accompagner votre gouvernement et à lui donner les moyens de sa politique en matière de sécurité. Le temps presse car la situation devient incontrôlable. À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle.
Le parlement est mobilisé et les parlementaires sont prêts à répondre à toute convocation à l’extraordinaire même pendant la période des fêtes pour étudier toutes les mesures d’urgence que vous envisagez de leur soumettre. Ceci peut aller de la mise en branle des dispositions constitutionnelles et légales prévues pour faire face à ce genre de situation, au le vote en urgence d’une loi d’exception visant la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes, la mise à la disposition des force de police de moyens légaux et exceptionnels leur permettant d’apporter une réponse adéquate aux phénomènes constatés depuis quelques temps. De son coté, la Commission vous recommande :
Le renforcement urgent et immédiat de la DCPJ
Par ailleurs Monsieur le Premier Ministre, il n’est pas normal que la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), un outil opérationnel essentiel dans la lutte contre le grand banditisme reste privée d’un leadership capable et responsable dans la conjoncture actuelle. Il est impératif et urgent que le juge saisi du dossier du Commissaire Michael Lucius rende rapidement son ordonnance. Dans l’éventualité où celui-ci serait mis hors de cause, il faudrait qu’il puisse regagner son poste dans lequel, selon les informations dont nous disposons, il faisait un excellent travail et obtenait des résultats encourageants.
Monsieur le Premier Ministre, il est possible de palier rapidement aux faiblesses de la PNH en augmentant ses effectifs et en créant en son sein des unités spéciales renforcées capables de lutter efficacement contre les terroristes. Pour augmenter les effectifs il faudrait envisager la formation de mille cinq cents (1.500) élèves policiers que l’on pourrait facilement sélectionner parmi les nombreux jeunes qui ont servi comme gardes électoraux. Quant aux unités spéciales on peut rapidement les constituer en faisant appel aux nombreux anciens militaires entraînés et motivés qui se trouve déjà au sein de la PNH, en les équipant et en leur donnant le soutien politique nécessaire.
Depuis le 1er octobre dernier, votre gouvernement dispose d’une ligne budgétaire de cent vingt cinq millions (HTG125.000.000,00) de gourdes pour l’étude et le lancement des nouvelles forces armées d’Haïti. En dépit de nos appels réitérés, jusqu’à date, le parlement n’a connaissance d’aucune démarche concrète de votre part pour mettre en uvre la loi budgétaire dans ce domaine. Nous avons la désagréable impression que votre gouvernement laisse à dessein traîner les choses pour qu’à la fin de l’année fiscale aucun fonds ne soit débloqué pour mettre en route ce projet réclamé par l’ensemble de la population et que les circonstances actuelles nous impose comme une priorité absolue.
Aux yeux de plus d’un, votre gouvernement n’a pas la volonté réelle de s’attaquer aux bastions de l’insécurité et du terrorisme. Il est urgent Monsieur le Premier Ministre que dans les tout prochains jours i.e. avant la fin de l’année vous mettiez en place un comité d’experts chargé de préparer la nomination d’un état major provisoire et le lancement effectif des nouvelles forces armées d’Haïti au cours du premier trimestre de l’année prochaine. Les récentes initiatives de votre diplomatie font peser sur notre pays, la menace d’un départ prématuré et non préparé des forces de la Minustah. Il importe de commencer à nous préparer dès maintenant à cette échéance inéluctable en mettant sur pieds notre propre armée. Une armée moderne au service de la démocratie, respectueuse de la constitution et des lois de la république, capable d’épauler en tant que de besoin la PNH en particulier dans des circonstances comme celles que nous vivons aujourd’hui.
Monsieur le Premier Ministre, Nous espérons que les propositions concrètes et précises que nous vous adressons dans la présente retiendront votre attention et que vous soumettrez rapidement au vote du parlement les textes appropriés pour lutter contre le terrorisme, que vous ferez ce qu’il faut pour combler la vacance ã la tête de la DCPJ, que vous prendrez les bonnes décisions pour augmenter rapidement les effectifs de la PNH et qu’enfin vous mettrez en branle le processus de création de la nouvelle armée nationale. L’annonce de ces mesures apportera aux incrédules la preuve que vous voulez réellement changer de politique et prendre pour de bon le taureau par les cornes en matière de lutte contre la criminalité.
Le parlement vous réaffirme sa détermination à vous donner tous les moyens légaux et matériels pour réussir dans cette lourde tâche et combler les attentes de la population. Je saisis l’occasion pour vous transmettre, Monsieur le Premier Ministre, au nom de mes collègues et en mon nom personnel, mes salutations patriotiques.
Youry LATORTUE
Président de la Commission
Défense, Justice et Sécurité
Du Sénat de la République.