par Max Rippon
Poète Marie-Galantais et un ami de longue date…
à Frankétienne
à ceux qui ont eu la force de rester
à ceux qui ont trouvé le courage de partir
Ma déchirure
Le jour s’est levé
Plus timide qu’à son ordinaire
Le soleil s’est porté pâle
Ce matin de novembre
Ma mère m’a réveillé
Infinie douceur à mes oreilles endormies
Mon père m’a furtivement embrassé
Sans questionner mes yeux inquiets
J’avais quatre ans à peine
Ma mère a soigneusement savonné mon corps
Des larmes de joie coulaient
Le long de mes joues creuses
Mon corps luisant
Donnait à ma peau une brillance peu commune
Deux dames sont venues
me prirent la main sans oser me connaître
L’une m’a collé de force
Contre la tiédeur de ses seins
L’autre me souriait en silence
J’avais quatre ans à peine
J’ai été sevré de la vie de mes pairs
Adieu plaines immenses de l’Artibonite inconsolée
Adieu Cité soleil grouillante de soucis trop lourds
Marché Salomon adieu
Sauve qui peut obligé
adieu !
Je quitte et fuis mon pays sans au revoir
à reculons
Je brade mes amitiés légitimes
Sans avoir le temps
de les éprouver
Je déserte ma terre en dissident coupable
Je suis la fleur sauvage taillée au cutter
Et ma sève gicle et geint aux alentours
Je suis cette pièce d’ébène
A rouler dans les draps de l’oubli
J’avais quatre ans à peine
Reverrai-je un jour
Mon Haïti chérie
Terre ingrate qui me laisse expulser
Comme un crachat mauvais
Terre aride aux mamelons flasques
Ton lait tari creuse des sillons de misère
Dans les cheveux blanchis de ma mère
Adieu cierges dressés
Limitant la cime des mornes rasés
Adieu rizières en soifs
Je demande pardon à vos échines courbées
A vos chairs humiliées
Je fais l’inventaire de vos os décharnés
Hommes de trait des hauteurs de Delmas
J’avais quatre ans à peine
Ils m’ont adopté
J’étais tout en pleurs
Quand ils m’ont emporté
Vers des ailleurs nouveaux
Laissant peser lourdes
Mes inquiétudes d’enfant
Dans mon cur blessé à vif