Home Réflexions sur la vie Dans mon cœur et dans ma chair, je suis d’abord et avant tout un Madelinot.

Dans mon cœur et dans ma chair, je suis d’abord et avant tout un Madelinot.

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Dans mon cœur et dans ma chair, je suis d’abord et avant tout un Madelinot.
Dans mon cœur et dans ma chair, je suis d’abord et avant tout un Madelinot. Ensuite, je suis un Acadien. Enfin, je suis un Québécois. Trois appartenances solidement ancrées en moi. Trois amours. Trois territoires. Trois cultures. Trois histoires. Trois façons d’aborder la langue française. Les Îles de la Madeleine, l’Acadie et le Québec. le 24 juin, c’est la fête nationale du peuple québécois. J’aime le Québec de tout mon être. J’aime ses territoires époustouflants et les peuples incroyables qui les habitent.
Fier d’être Québécois ? Non, pas toujours. Ça m’arrive assez souvent d’être déçu ou outré par mes compatriotes. Nous ne partageons pas toujours les mêmes valeurs, loin de là. « Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles » a écrit Max Frisch au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et je suis d’accord avec lui. J’ai néanmoins une étincelle au fond du cœur. Nous partageons certaines choses qui valent la peine d’être aimées et célébrées. La langue, la culture et l’histoire de notre peuple sont riches et fécondes. Cependant, il ne faut pas commettre l’erreur de les figer et de les empêcher de s’enrichir au contact d’autres langues, d’autres cultures et d’autres histoires pour évoluer. J’ai le nationalisme identitaire et l’assimilation en horreur. Nous valons mieux que ça. Notre identité est forte, belle et lumineuse et n’a pas besoin de menacer celle de nos concitoyens et concitoyennes d’une origine différente pour perdurer. On ne peut bâtir un pays sur de telles bases. Le Canada s’est construit sur le génocide des Premières Nations, l’esclavage et les déportations. Je ne veux pas d’un tel pays. Je ne veux pas reproduire un tel pays.
Bonne fête, Québec. Ne tombe pas dans le piège du nationalisme identitaire. Reste le bon vieux Québec que j’aime. Reste une terre d’accueil dont le peuple est tricoté serré, bon vivant et dont la tête est aussi dure que le cœur est grand. Ne laisse pas l’ignorance, la peur, la colère et la haine te transformer.
Et j’offre ma solidarité et mon amitié aux Abénaquis, aux Algonquins, aux Attikameks, aux Cris, aux Hurons-Wendat, aux Montagnais, aux Malécites, aux Mi’Kmaqs, aux Mohawks, aux Naskapis et aux Inuit. Le territoire du Québec était leur bien avant que nos ancêtres européens ne songent à s’aventurer sur la mer pour trouver une autre route vers l’Inde. Quand je pense à la façon révoltante dont nos gouvernements continuent à les traiter aujourd’hui, en 2018, j’ai honte, je suis triste et j’enrage. Québec n’est-il pas un mot autochtone ? Bonne Saint-Jean Baptiste aux Québécois et aux Québécoises de toute origine et à tous ceux et toutes celles qui aiment cette terre où je suis né, cette terre où il fait bon planter ses racines, que ce soit hier ou demain, cette terre à laquelle j’appartiens trois fois plutôt qu’une.
Texte : Nicolas Vigneau
Image : Les Feux de la Saint-Jean, Jules Breton, 1891