Ils sont tous là. Avec des textes appris par cur, des mises en scène, des costumes pour chaque scène et une avant-première pour épater la galerie.
Ils sourient, serrent des mains, signent des autographes, promettent de se rappeler de leurs moindres promesses, laissent leur entourage monter dans l’autobus équipé pour chaque clan et s’engouffre dans une limo super luxueuse avec chauffeur. Ils mangent du filet mignon et des crevettes pendant que les journalistes doivent se contenter de St-Hubert Bar-B-Q. Si l’entourage est chanceux, il mangera comme l’artiste une fois de temps en temps.
Une campagne électorale, c’est du show-business. Rien de plus. La star est là, l’entourage se montre gentil, les journalistes piaffent souvent d’impatience.
Le candidat est en tournée. Il étudie ses textes et ses chansons, discute de stratégies, pendant que son équipe voit à sa garde-robe, son maquillage, ses valises, ses réservations, ses sautes d’humeur, ses déclarations, ses éclairages, sa publicité, ses bévues, sa conjointe, ses enfants,la bonne et le chien, etc .etc.
La star performe, l’équipe travaille. N’importe quel artiste qui a fait des tournées pour présenter son show vous le dira, c’est exactement la même chose. Tout doit être parfait. Chaque fois que la porte de la limousine s’ouvre et que le public aperçoit son idole. Tout doit être minuté, réglé au quart de tour, super parfait. Il n’y a pas de place pour l’erreur ou l’improvisation. « Le show est stagé », le candidat doit sourire, la machine est bien huilée.
Le chef de cabinet devient le directeur de tournée. Pour tous les autres, c’est la même job. Les gardes du corps, les chauffeurs, les habilleurs, les stylistes, les coiffeurs, les attachés de presse restent les mêmes.
Et la machine roule à un train d’enfer. La star doit livrer la marchandise, faire valoir son talent, mettre sa tête sur le billot tous les jours. Il doit promettre mer et monde pour marquer des points et si la note n’est pas poussée assez haut, on l’engueulera. Il n’aura pas à chanter « All By Myself » et s’égosiller comme Céline le fait, mais il n’empochera jamais son salaire, même si les heures sont extrêmement longues et parfois pénibles. Le candidat ne sera jamais à Las Vegas pour présenter son petit show local, mais il fera des pieds et des mains pour se rendre à Chibougamau, car son public est là et l’attend à bras ouverts, souvent avec le sourire en coin.
La star se fera critiquer, engueuler, piétiner. On se moquera de lui dans tous les médias, on ne croira pas un seul mot qu’il dit, mais on se laissera endormir. On aime les shows, on adore Star Académie, on adore voir notre voisin trébucher. Félix Leclerc l’a chanté durant des années, le plaisir de l’un c’est de voir l’autre se casser le cou. Les sondages deviennent le billboard et on mesure alors la cote d’amour du candidat d’après les résultats. L’important est de rester à la tête du billboard.
Et, nos politiciens québécois donnent le show de leur vie jusqu’au 14 avril. Encore une semaine de tournée avant les applaudissements et les rappels, la gloire et les prunes, la satisfaction du travail bien fait et l’impression qu’on a donné notre 120%.
Ils n’auront pas à chanter en choeur « All By Myself ». Un seul le fera en pleurant doucement ce qui pourrait pu arriver… en voyant l’entourage fuir, alors que le deuxième chantera « My Way », convaincu d’avoir été parfait et que le vainqueur risque d’entamer « Because You Loved Me » tout émerveillé d’être le roi et de voler le show à Céline.
En attendant les quinze minutes de gloire, le road show continue. On chantera plus fort, on promettra davantage, on ne regardera même pas à la dépense. Après tout, que sont quelques milliards quand on veut un couronnement de carrière? On servira caviar et champagne, on paiera la note et on oubliera tout le 15 avril pour les quatre prochaines années. Ferland l’a chanté: le show-business c’est un autobus dans un habit de satin.
Nos artistes politiciens y vont à fond de train. Les caméras ne nous montrent jamais tout ce qu’on devrait voir et qu’on paie sans dire un mot avec nos impôts. Leurs discours déjà tout écrits pour eux, leurs deux ou trois costumes identiques en coulisse, leur peur de ne pas livrer la marchandise, leur hantise de ne pas être à la hauteur, leur mal de ventre avant chaque discours, les nausées devant chaque résultat de sondage.
Tout ça existe ! Un politicien est exactement comme un chanteur, sauf que lui, il exerce ce métier pour la gloire pas pour l’argent. Et, si le public n’applaudit pas, c’est la déchéance totale, la fin d’un beau rêve.
La politique, c’est du show-business. Nos chefs auraient dû demander à Luc Plamondon de leur écrire quelques tounes, je suis certaine qu’ils seraient beaucoup plus heureux et n’auraient pas toujours cet air constipé du penseur de Rodin en plein travail.
Le gros show est le 14 avril…tous les Québécois sont invités à participer gratuitement en votant et en regardant le résultat à la télé.