Autant je le trouvais mièvre et insignifiant au moment de son élection, autant je lui lève mon chapeau aujourd’hui. C’est l’homme de la situation!
George W. Bush ne m’a pas courtisée, mais depuis le 11 septembre, je dois admettre que le pays n’aurait pas trouvé mieux avec le très tranquille et très drabe Al Gore à sa tête.
W est parfait. Il n’emprunte pas le langage des intellectuels, ne tente pas de faire des métaphores, ne joue pas au gars riche, n’essaie pas d’impressionner. Il est monsieur-tout-le-monde, le gars qui s’échappe et dit des gros mots, l’Américain moyen, l’homme qu’on a l’impresion de connaître depuis des lustres.
C’est ce que les Américains aiment. Ils veulent un président à leur niveau, qui parle la même langue qu’eux, qui ne mâche pas ses mots, qui a les mêmes préoccupations, qui fait son jogging, qui n’a peut-être pas vraiment les mains blanches, qui a fait des erreurs, mais qui reste fidèle à ses idées.
Les Américains ne veulent pas d’un chevalier sans peurs et sans reproches, d’un superman ou d’un prince inaccessible. Ils veulent un président qui leur ressemble. Et George W. joue la bonne carte.
Son passé rock’roll le poursuit toujours. Ce qu’on pressentait comme une mauvaise note dans son bulletin s’avère un avantage. Sa cote n’aura jamais été aussi élevée. Les Américains l’adorent. Ils se reconnaissent en lui.
Enorme comme avantage aux prochaines élections.
Tous les chefs de gouvernement souhaiteraient une telle cote d’amour et de popularité auprès de leurs électeurs. Mais tous les chefs de gouvernement n’ont sans doute pas compris qu’à notre époque, il faut se mettre au diapason des gens pour se faire aimer et non parler la bouche en cur pour plaire à une petite poignée d’intellectuels de gauche.
Le peuple, c’est toujours lui le grand gagnant, et une élection se gagne avec des électeurs, pas avec une poignée de faux snobs.
George W se présente devant le monde en blue jeans et en tee shirt, la couette en l’air, l’il rieur, la parole facile, le ton bagarreur.
Il semble assoiffé de justice, prêt à se battre, prêt à mourir pour son pays, prêt à n’importe quoi pour se faire aimer et gagner la bataille du terrorisme. L’image parfaite. Le boy-next-door, le voisin rêvé, le beau-frère idéal, le grand défenseur de la veuve et de l’orphelin.
Super bon comme marketing et comme stratégie.
Les caméras ne nous montrent jamais son armée de gardes du corps derrière lui, ses discours déjà tout écrits, ses deux ou trois costumes identiques en coulisse, sa peur de ne pas livrer la marchandise, sa hantise de ne pas être à la hauteur, son mal de ventre avant chaque discours, ses nausées, ses trous de mémoire, ses sautes d’humeur, ses engueulades avec Laura et ses filles, sa grande faiblesse devant son père.
Et justement, le grand public n’a pas à voir ou savoir tout ça. Tel un artiste, le président doit révéler ses travers à petites doses pour ne pas compromettre sa carrière. Le public reçoit l’image qu’on lui donne, rien de plus.
L’artiste doit performer dans les meilleures conditions possibles, le reste, c’est du marketing. Bien sûr, les événements du 11 septembre ont largement contribué à renforcer son pouvoir, ses attachés de presse font un travail de titan, mais reste que, l’homme derrière le micro et sur scène, c’est lui et personne d’autre.
Quand il cafouille, se trompe, parle, rit et gueule, c’est lui que le public regarde, admire et défend. C’est à cause de lui que la flamme patriotique est aussi forte. Et croyez-moi sur paroles, elle ne s’éteint pas.
Le meilleur manager au monde peut tout mettre en place et conseiller son poulain, mais l’artiste doit travailler pour faire passer le message. C’est lui qui est sur scène, pas le manager ou le chef de cabinet, lui seul.
Si le show est mauvais, c’est à lui que s’adresseront les critiques les plus destructives. Bush le sait. Toute sa mise en scène était prévue et minutée au quart de tour, mais les événements du 11 septembre ont royalement bousculé l’agenda. La star doit souvent improviser, il n’a pas le choix. Le show n’est pas toujours minuté, préparé ou « stagé ». La vraie guerre n’est pas exactement du cinéma ou une soirée à l’opéra. On déborde souvent sur l’horaire prévu, on improvise, on tente de faire du mieux qu’on peut dans les circonstances…et on réussit toujours à s’en sortir.
Ses conférences de presse sont attendues comme un gros show rock ou une soirée de gala à Hollywood. On ne veut rien manquer. On boit ses paroles et admire le gars. On félicite la machine qui a fait de lui, la superstar qu’il est maintenant. Normalement, la célébrité est un travail de longue haleine. Dans le cas de W, c’est l’affaire de quelques minutes et une question d’attitude. La star est née des décombres de Ground Zero et des idées machiavéliques d’un Bin Laden.
Ironie du sort, une star de son calibre, mondialement connue, empoche des millions par année mais l’homme à la tête du pays le puis puissant au monde, ne gagne même pas 300 000$.
Une grosse farce tout ça! Avec de tels salaires, pas surprenant que les candidats ne se bousculent pas aux portes. On veut les faire évoluer sur les plus grandes scènes du monde, mais on ne veut pas les payer. On leur offre des salaires ridicules alors qu’ils sont continuellement sous les feux de la rampe et travaillent sans compter leurs heures et pas toujours sous leur meilleur jour.
Où est la logique? Qui veut devenir supertar pour 300 000$ par année avec une simple garantie de 4 ans?
Mais dans quel monde vit-on?