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Montrer le Vaudou ?

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“YES, WE CAN”
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‘*Montrer le Vaudou ?* Yves Chemla.’

‘Quand je suis avec les bizango, je me sens comme dans une église’, affirme Marianne Lehmann. Arrivée en 1957 à Port-au-Prince, elle a recueilli chez elle depuis une trentaine d’années, près de 3000 objets vodou, qui remplissent les pièces de sa maison. Cette collection, sans doute la plus importante au monde, fait la part belle au vodou de la nuit, celui des sociétés secrètes.

Le ‘Musée d’ethnographie de Genève en accueille 300, pour une exposition que l’on considère ici comme un des prolongements nécessaires de celle qui avait été consacrée à Alfred Métraux, en 1996 (Du Pays de Vaud au pays du Vaudou Ethnologies d’Alfred Métraux).

L’exposition elle-même est d’une grande densité, à la fois par la charge que les objets recèlent en eux, mais aussi par leur agencement. C’est en effet à une interrogation sur le rapport entretenu avec l’objet de l’ethnographie que le visiteur est confronté. Ici, pas d’assignation, mais la mise en place de la distance critique : la première pièce est une des caisses dans lesquelles les objets ont voyagé, rappelant ainsi que l’ethnographie se présente presque naturellement comme ce qui est retiré à une culture et qui est enfermé dans une série de dispositifs qui les placent sous une lumière où l’artificiel le dispute à une esthétisation décalée par rapport à la valeur d’usage, transformant ce dernier en fiction. Et puis, une trame narrative, qui parcourt toute l’exposition, exposée par le poème de Baudelaire, ‘Le Flacon’ : ‘Il est de forts parfums pour qui toute matière / Est poreuse. On dirait qu’ils pénètrent le verre’.

‘La compagne du poète, Jeanne Duval, était née à Jacmel, et on est en droit de se demander si elle ne fut pas elle aussi une informatrice. D’autres poèmes, comme ‘À une madone’, par exemple, font assez nettement pencher la balance. Fabienne Pasquet, dans L’Ombre de Baudelaire[1], a soulevé ce voile. Beaucoup d’objets collectionnés par Marianne Lehmann sont ces bouteilles, ces dames-jeannes, ou autres récipients, qui visent à enfermer pour les contenir, des forces diverses, vitales ou létales. Il y a bien une isomorphie entre l’objet
de l’exposition, ce qu’elle donne à voir, et la manière dont elle le fait. Un tel dispositif, complexe, enclenche la réflexion.

C’est tout d’abord une grande machine onirique qui se manifeste à la perception et au sentiment, dans ce parcours et ces couloirs aux parois diaphanes où l’alternance de la pleine lumière et de la pénombre force l’attention.

Les objets nous touchent car ils semblent rejoindre les
formes et les forces tapies dans l’intime. Bouteilles fermées de têtes de mort, autels en forme de bric à brac, mais où chaque objet est nécessaire, personnages sortis de gouffres intérieurs, un brin d’ironie dans le regard, mi-vivants, mi-squelettiques, grandes poupées de tissus, qui, installées comme une assemblée des ombres, laissent le regard les approcher au plus près et les corps les frôler dans une proximité peu à peu naturelle avec les forces de la nuit, corps et visages qui se regardent alors dans ces grands miroirs mystérieux, dont les fêlures opaques nous projettent dans ces arrières mondes, dont les Haïtiens semblent désormais les rares gardiens des glyphes.

Le vodou est décidément bien cet ‘art de vivre’ qui sait encore accueillir cet ‘intrus légitime’ qu’avait évoqué Malraux, dans L’Intemporel. D’une certaine façon, cette exposition nous donne le sentiment très vif d’un
chez-soi particulièrement troublant. La porosité est partagée, le rêve devient fluide.

*Montrer le Vaudou ?* Yves Chemla
publié le 17/01/2008

Invitation

Le vodou, un art de vivre, Musée d’ethnographie de Genève, du 5 décembre 2007 au 31 août 2008.

L’exposition sera complétée de diverses manifestations, notamment un festival de films, du 23 au 26 janvier 2008 ; de musique, du 20 au 23 février 2008. Un temps fort également, à ne pas manquer : le dimanche 18 mai 2008, de 11h à 16h, trois sculpteurs haïtiens, Jean Hérard Celeur, André Eugène et Guyodo réaliseront en public deux sculptures monumentales, avec des épaves de voitures.

Enfin, les 5 et 6 juillet 2008, au Musée d’histoire des sciences, dans cet endroit splendide qu’est la Perle du Lac, une animation consacrée au ‘temps à l’heure vodou’, se déroulera dans le cadre de la Nuit de la science. Elle est aussi accompagnée d’un superbe catalogue et d’un numéro de la collection Tabou, publié sous la direction de Jaques Hainard, Philippe Mathez et Olivier Shinz, intitulé Vodou, dans lequel une vingtaine d’auteurs (chercheurs et acteurs de terrain) proposent des pistes de travail et d’analyse particulièrement stimulantes, et surtout un point d’étape important.



Merci Margaret Armand
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